Dans une étude publiée en Juillet, des chercheurs ont restauré la vue à un modèle de souris atteint d'Amaurose Congénitale de Leber (ACL) en utilisant des doses orales de composés chimiques dérivés de la vitamine A. L'ACL est un groupe de maladies graves, précoces, autosomiques récéssives dégénératives de la rétine causant une perte de la vision à la naissance ou durant les toutes premières années de vie d'un enfant. C'est la première fois que des chercheurs rétablissent la vue dans un modèle animal de dégénération rétinienne.
Dans cette étude, le docteur Krzysztof Palczewski de l'université de Washington, le docteur Samuel Jacobson du Scheie Eye Institute de l'université de Pennsylvanie et leur collègues ont administré des doses chimiques de 9-cis-rétinal à des souris âgées de 8 à 12 mois atteintes d'une forme d'ACL. En utilisant des électrorétinogrammes (ERG), un outil diagnostique qui mesure les fonctions visuelles, les chercheurs ont trouvé que les souris traitées présentaient une rétablissement significatif de leur vision. En comparaison, les souris non traitées du même age présentaient des ERG indiquant une vision très faible.
En commentant cette étude, le docteur Gerald Chader, Chef du bureau scientifique de la Foundation Fighting Blindness (FFB) a dit, "Le fait que les docteurs Palczewski et Jacobson soient capables de rétablir la vue dans un modèle animal atteint d'une maladie dégénérative de la rétine offre l'espoir que nous soyons un jour capable de développer des traitements permettant de restaurer la vue pour d'autres formes de dégénérescences rétiniennes avant que les cellules de la rétine ne meurent. Avec les progrès réalisés en recherche génétique, nous sommes enfin capables de comprendre les causes de la perte de la vue et de développer des traitements qui pallient à un gène déficient."
En 1997, des chercheurs de la FFB ont découvert les mutations d'un gène appelé RPE65 responsable d'environ 10% des cas d'ACL. Le produit du gène RPE65 est abondamment exprimé dans une couche de cellules jointives à la rétine appelée épithélium pigmentaire rétinien (EPR). Les cellules de l'EPR soutiennent les fonctions des cellules photoréceptrices de la rétine en fournissant un nutriment essentiel et en éliminant les résidus des produits digérés. En participant au cycle visuel, les cellules de l'EPR convertissent la vitamine A en un composé chimique qui s'allient avec une molécule présente dans les bâtonnets pour former la rhodopsine. La rhodopsine est le pigment des bâtonnets qui initialise la phototransduction.
En 1998, après avoir cloné le gène RPE65, des chercheurs ont développés un modèle de souris atteinte d'ACL qui désorganise les fonctions du gène. Ce modèle de souris, appelé souris RPE65, permet aux chercheurs d'étudier les caractéristiques de la perte de la vue dans l'ACL à un niveau cellulaire et moléculaire. Grâce à ce modèle animal, on a pu démontrer que le produit du gène RPE65 était essentiel au cycle visuel et à la phototransduction.
Une mutation du gène RPE65 désorganise le cycle visuel en empêchant la formation de rhodopsine et le processus de phototransduction. Sans rhodopsine, les photorécepteurs ne peuvent pas fonctionner, et la perte de la vue s'en suit. D'autres études sur la souris RPE65 ont révélé que bien que la perte de la vue surviennentt rapidement, les cellules photoréceptrices ne dégénèrent et ne meurent pas immédiatement. Ces résultats ont amené les chercheurs à tester des traitements qui pourraient compenser le gène défectueux. En fabriquant du 9-cis-rétinal disponible dans les cellules de l'EPR, les chercheurs ont vaincu les effets du gène déficient REP65, permettant aux rétines des souris de produire artificiellement de la rhodopsine ce qui a rétablit leur vue.
Bien que cette étude ait été
menée sur
une durée limitée, elle amène des
possibilités passionnantes pour les patients atteints d'ACL
résultant d'une mutation du gène RPE65. Les
docteurs
Palczewski, Jacobson et leurs collègues mènent
actuellement d'autres études pour mieux évaluer
la
sécurité et l'efficacité de ce
traitement. Les
chercheurs doivent déterminer combien de temps dure
l'amélioration de la vue et s'il existe une
toxicité
à long terme de ce traitement. Une autre question importante
est
à quel stade de la maladie peut-on intervenir ? Puisque il
existe un intervalle entre la perte des fonctions visuelles et la mort
des photorécepteurs, cette question est importante pour les
patients âgés candidats pour ces traitements.
D'importants
travaux doivent encore être réalisés
avant que les
essais cliniques puissent commencer.
Puisque ces traitements sont adressés aux gènes
RPE65
défectueux, les patients atteints d'ACL doivent d'abord
être identifiés
génétiquement pour
déterminer s'ils peuvent être candidats pour ces
traitements. En plus du RPE65, il existe quatre autres gènes
avec des mutations qui chacune cause l'ACL. Malheureusement, les
patients atteints d'ACL causée par ces autres
gènes ne
pourront pas bénéficier de ce traitement.
Cette étude montre l'importance que jouent les recherches génétiques dans les études sur les maladies dégénératives de la rétine. La possibilité de développer des traitements pour toutes les maladies génétiques dépend d'abord de l'identification des mutations des gènes qui causent ces maladies. Une fois le gène identifié, les chercheurs peuvent développer des modèles animaux qui imitent ces maladies. Ces modèles peuvent être utilisés en laboratoire pour comprendre la fonction du gène et comment une mutation de ce gène amène à la maladie. Avec ces connaissances, les chercheurs peuvent développer des traitements qui compensent le disfonctionnement cellulaire résultant de la maladie génétique. Aidés de ces progrès en recherche génétique, les scientifiques peuvent maintenant commencer à comprendre et à traiter l'ensemble des maladies dégénératives de la rétine.
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